Au nom de quoi nous associer au capital d’entreprises sociales et solidaires ? La place des citoyens dans les politiques de finance solidaire
Ces dernières années ont vu l’apparition de placements et produits financiers cherchant à associer épargne et comportement citoyen. Aujourd’hui, des questions se posent quant à leur rôle et à leur poids dans le financement de projets d’acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Ainsi, par exemple, en voulant conjuguer des placements financiers éthiques, liquides, garantis, rentables et sans souci, la finance éthique a oublié l’enjeu d‘une citoyenneté économique. L’épargnant reste un consommateur et, même si les sommes ainsi mobilisées dépassent les 4 milliards d’euros en 2016, 98% de l’épargne « éthique » collectée est réinvestie en bourse. Au final, ceux qui entreprennent restent souvent les seuls à assumer les risques et les décisions d’orientation (seulement 0,03% de l’épargne « éthique » collectée est investie au capital d’entreprises solidaires.
Une autre logique est celle du capital risque solidaire qui permet d’apporter aux entreprises qui placent l’humain et son environnement au cœur de leurs préoccupations, les capitaux indispensables à leur création ou à leur développement. Cet investissement permet à l’entrepreneur de n’être pas seul à prendre les risques et de s’associer au pilotage de l’activité. En ce sens, il participe d’une réappropriation collective d’enjeux économiques. Nous sommes plusieurs structures d’accompagnement ou de financement de l’économie sociale et solidaire confrontées à cette difficulté de mobiliser ces capitaux solidaires.
Ce questionnement a rencontré l’intérêt de la Commission Européenne dans le cadre de sa réflexion sur les modalités de mise en œuvre de sa propre politique de développement de l’économie sociale et solidaire.
Il nous a semblé intéressant pour la dynamique de l’atelier de poser comme cas concret celui de l’agriculture paysanne (petite taille, respect de l’environnement, maintien d’activités rurales) mais d’autres sujets pourront être choisis pour élargir notre réflexion.
La construction de circuits courts permettant de consolider une agriculture paysanne représente pour nous en tant que structure, citoyen et représentant ou interlocuteur d’épargnants un enjeu régional important. Il concerne notre environnement, notre santé, notre qualité de vie et il suscite de nombreuses initiatives citoyennes avec lesquelles nous sommes parfois amenés à coopérer : panier, marché paysan, plateforme de distribution, label, coopératives artisanales d’agriculteurs, etc.
Nous avons décidé de partir de cette dynamique pour réfléchir ensemble aux enjeux et à l’intérêt ou non de mobiliser une épargne citoyenne pour les défendre. Nous souhaitons dans un premier temps mieux identifier et mesurer les enjeux avec les acteurs économiques concernés (atelier du mois de mai). Puis, par la suite, réfléchir à l’enjeu d’une politique de capital risque solidaire et à ces modalités de mise en oeuvre : Comment articuler politique financière et défense du projet d’utilité sociale ? Qu’elle gouvernance mettre en place ? Comment partager les risques ? Comment défendre les intérêts des épargnants (rôle d’associé) ? Comment mobiliser ces derniers ? Quel outil financier favoriser ou développer ? Comment en définir les missions et moyens de fonctionnement ?
Le but est, à partir d’un enjeu identifié et partagé, de faire émerger des questionnements et, qui sait, d’arriver à esquisser un premier plan d’action pour favoriser la mutualisation du risque et, de façon plus générale, le financement de l’entrepreneuriat social.